BLANCHISSEUSE

 

Le métier de blanchisseuse était un métier dur et pénible, exercé par les femmes. A Carrières, comme ailleurs, nous avons eu notre bateau-lavoir amarré sur la rive de la Seine. Les eaux étaient claires en ce temp-là. Un fil était tendu à proximité au-dessus de la prairie où le linge était suspendu pour sécher à l'air libre.
 

 

DES BLANCHISSEUSES

 

Avant le bateau-lavoir, on arrivait avec les paniers remplis de linge sale, en poussant la brouette. On posait ses genoux sur une planche de bois et la besogne commençait. La grande fête, c'était la lessive annuelle ou bisannuelle, lessive de printemps et / ou d'automne.

 

Sur une selle à trois pieds, la ménagère plaçait un cuveau sous la coulotte duquel se trouvait une tinette. Un fagot de sarments, placé au fond, facilitait l'écouleemnt. Puis, on rangeait successivement les torchons, les draps, les chemises, glissant des racines d'iris séchés qui parfumaient le linge. La ménagère étendait une grosse toile de chanvre remplie de 15 centimètres de cendres de bois, on chauffait de l'eau dans un grand chaudron de cuivre suspendu à une crémaillère. Versée sur la cendre de bois, l'eau traversait le linge en emportant la potasse. La lessive "coulée" était rincée, tordue, battue au lavoir. Le lendemain, le linge fumant, placé dans des paniers d'osier était empilé dans des voitures, et transporté vers des lavoirs au bord des ruisseaux et mares... puis les laveuses savonnaient, brossaient, battaient, rinçaient".

 

Dans d'autres régions, l'eau mêlée de cendres était mise à chauffer. On procédait au coulage avec de l'eau frémissante et on finissait par l'eau bouillante.

 

UN ATELIER DE REPASSEUSES A CARRIERES

 

LES BATEAUX-LAVOIRS

 

A Carrières, il y eut un bateau-lavoir. A Paris, depuis le Moyen-Age, les lavandières travaillainet sur ces bateaux, propriété des pauvres gens. Les religieux de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés voulurent faire payer un loyer. La ville prit la défense des habitants, mais on limita le nombre de bateaux à 80 dont les trois quarts sur la rive droite.

 

LES BLANCHISSERIES PUBLIQUES

 

En 1796, Jean RIFFE autorisa la construction d'une blanchisserie industrielle, en aval de l'Ile aux Cygnes, utilisant des techniques hollandaises, qui donnaient au linge un blanc incomparable.

 

En mai 1805, une ordonnance annula les permissions. Des buanderies publiques remplacèrent les bateaux-lavoirs. Elles étaient créées par souscriptions, émises par des sociétés par actions. Etablies sur terre, elles recevaient l'eau grâce à des pompes. De 6 en 1830, leur nombre passa à 100 en 1850. Par réaction, les patrons des bateaux-lavoirs augmentèrent la taille des bateaux.

 

En 1850, le nouveaus système de barrage, dit barrage mobile, améliora la navigation sur la Seine mais gêna les bateaux-lavoirs. Les hostilités reprirent avec l'administration.

 

Le 17 juillet 1867, le baron HAUSSMANN supprima 2 bateaux. Réactions violentes, pétitions, plaintes, plaidoiries s'ensuivirent. L'administration revint sur sa décision de supprimer les bateaux.

 

Arrive la guerre de 1870. Les adductions d'eau furent coupées par les Prussiens. L'administration demanda l'agrandissement des bateaux-lavoirs. Malheureusement, en 1885, toutes les demandes de réparation furent rejetées malgré discussions, pétiitons, expertises. Les bateaux-lavoirs finirent par disparaître, battus par les machines à laver des blanchisseries industrielles. Ces blanchisseries employaient encore, vers 1962, 40 000 femmes.

LE BATEAU-LAVOIR LE PLUS CELEBRE A ETE "L'ARCHE-MARION", EN 1895.

 

Il comprenait 12 corps de bâtiments portés par 12 péniches, reliées entre elles par des passerelles. Il mesurait 100 mètres de long.

 

De chaque côté de la chaudière, placée au centre, se trouvaient trois magasins : l'un pour le savon, le deuxième pour la lessive, le dernier pour l'eau de javel. Les bâtiments de lavage se situaient au rez-de-chaussée e tles séchoirs au premier étage. L'Arche-Marion pouvait accueillir 24 lavandières par bateau, soit 250 personnes.

 

Les bateaux-lavoirs appartenaient à un patron qui possédait plusieurs bateaux. Ces propriétaires, de père en fils, formaient de véritables dynasties. Sous les ordres du patron, se trouvaient le garçon de coulage, le garçon de jour (homme de peine), l'homme de peine (entretenant le bateau).

 

Le patron louait ses places à des "maîtresses" qui, à leur tour, recrutaient une "brigade" de laveuses professionnelles, payées à l'heure, appelées "poules d'eau". En plus de ces laveuses professionnelles, on voyait venir des ménagères de modeste condition, souvent le dimanche matin, pour entretenir leur linge.

LES CONDITIONS DE TRAVAIL

 

Courbées, à genoux, les mains dans l'eau, les ouvrières finissaient par souffrir de rhumatisme et de lésions de la peau. Le linge mouillé était lourd à manipuler : les hernies, les lombalgies, les accouchements prématurés étaient fréquents. Transpiration, atmosphère humide, linge mal désinfecté provoquaient des maladies pulmonaires (bronchites et tuberculoses). Si l'hiver ralentissait l'activité, en bonne saison, ces ouvrières travaillaient 14 heures par jour au XIXème siècle, et près de 55 heures par semaine vers 1960 ! Savon, eau de javel, éclairage... étaient à la charge de chacune.

 

REPUTATION DES BLANCHISSEUSES

 

On les disait peu consciencieuses, peu "farouches", médisantes,grossières... mais on leur reconnaissait une grande générosité.

 

Beaucoup d'entre nous ont le souvenir des lessives familiales : les lessiveuses de fer galvanisé remplies de linge, dans lesquelles un tuyau central permettait la montée et la projection sur le linge, de l'eau bouillante additionnée de cristaux de soude, eau chauffée par un "fourneau à son" ou par la "cuisinière".

 

Article de Martine PINAULT,

relevé dans la revue STEMMA,

cahier n° 38, 2ème trimestre 1988.