CABARETIER : travail réalisé par Véronique LAMEY- CATHELINE

Habit de cabaretier

 

De tout temps il y a eu des cabaretiers ; mais ce n’est qu’à une date peu ancienne qu’en France les cabaretiers ont formé un corps de métier (corporation). Jusque vers la fin du seizième siècle, on n’avait pas considéré cette profession comme un métier proprement dit, c’est-à-dire entraînant un apprentissage accompli dans certaines conditions, une maîtrise obtenue après certaines épreuves.

Au début, pouvait se faire cabaretier qui voulait, en payant certains droits et en se conformant aux ordonnances de police. C’est ce qui est écrit dans le Livre des métiers d’Etienne Boileau au 13ème siècle.

Le cabaretier était le tenancier d'un cabaret où l'on vendait le vin « à l'assiette », c'est-à-dire accompagné de nourriture, à la différence des taverniers qui ne pouvaient vendre que du vin à emporter «  au pot », aussi le cabaretier payait des droits plus élevés que le tavernier. Mais déjà chez les grecs et les romains on distinguait les taverniers des cabaretiers de la même manière.

Enseigne peinte
Enseigne

Dès 1256, sous Saint Louis, un règlement, plusieurs fois repris, ordonne " aux marchands de vin, cabaretiers et taverniers… de ne recevoir chez eux que les passants ou étrangers, et défendu d'y souffrir les habitants ou domiciliés des villes, bourgs ou villages où ils sont établis, sauf à vendre du vin à pot pour emporter".


Cette mesure, fruit d'observations et de réflexions, tirait la leçon que l'homme est moins porté aux excès de boisson dans les lieux où il voyage qu'en ceux où il habite. Cela laissait aux taverniers, cabaretiers et autres hôteliers toute latitude pour profiter de la clientèle bien payante des étrangers.

Intérieur de cabaret

Plusieurs ordonnances réglèrent alors le prix du vin. En 1351 notamment, Jean II fixa le prix du vin rouge français à 10 deniers la pinte,et le blanc à 6 deniers parisis. De même, en 1590, pendant la Ligue, le vin fut vendu, par ordre, le vieux à 6 sous, et le nouveau à 4 sous la pinte. La pinte, mesure dont on se servait pour mesurer le vin et autres liquides au détail, variait de contenance selon les lieux. La pinte de Paris valait environ 0,9 litre.


Le cabaretier préparait des repas complets tout en servant des vins à ses clients. Dans les villes de foires et de marchés, les cabarets tenaient un rôle important car ils servaient de lieux de rendez-vous pour les professionnels qui y faisaient leurs affaires. 

 

 

 

 

La pinte de Paris (à gauche), ancienne mesure, et le litre (à droite), nouvelle mesure. Verre en étain.

Cabaretier

A Paris, les poètes et lettrés les fréquentent assidument car ils mangent et boivent dans un endroit un peu moins puant que les tavernes.


Les statuts des cabaretiers, et par conséquent leur réunion en corps de métier remonte à 1587 lorsque le roi Henri III donna des règlements communs aux marchands de vin, aux taverniers, aux cabaretiers, et aux hôteliers.

Les statuts de 1587 se composaient de trente articles. En 1647, ils furent confirmés et développés en quarante articles.

 

L’élection des quatre gardes du métier, renouvelés tous les ans deux par deux, offre une singularité que l’on retrouve dans quelques autres corporations, celle des drapiers, par exemple. Le nombre des maîtres étant fort considérable, soixante d’entre eux seulement prenaient part aux élections ; l’année suivante, c’était le tour de soixante nouveaux, et ainsi de suite, sans qu’on pût être électeur pendant deux années consécutives. L’apprentissage durait quatre ans ; mais deux ans de service étaient nécessaires pour obtenir le titre de maître.


Suivant un règlement de police du châtelet de Paris, du 30 Mars 1635, il est défendu "aux taverniers, cabaretiers, logeurs de chambres garnies, & autres, de loger & de recevoir de jour ni de nuit aucunes personnes suspectes ni de mauvaises mœurs, de leur administrer aucuns vivres ni aliments".

Pour être cabaretier (en 1587 mais aussi en 1647), il fallait être catholique romain. Ils ne devaient recevoir personne chez eux le dimanche pendant les offices et les trois derniers jours de la semaine sainte. Aucune viande ne pouvait être vendue pendant le Carême et les jours maigres. Les officiers de police visitaient les boutiques pour s'assurer de l'exécution de ces règlements. En cas de contravention, les cabaretiers étaient passibles de fortes amendes voire de peines corporelles lors de récidive.

 

Toutes les ordonnances, et arrêtés de police considéraient les cabarets comme des lieux publics exclusivement ouverts pour la commodité des étrangers et d'où les habitants du lieu même devaient être exclus. Cette défense s'étendait surtout aux gens mariés et aux domestiques, mais cette prohibition excessive était à peu près sans effet. Il en fut presque de même de l'interdiction des jeux de hasard. 

 

Intérieur de cabaret.

Les cabarets devaient être fermés de bonne heure, les heures variaient seulement selon les villes et les saisons. Mais un avis placardé par le lieutenant de police, tous les ans, au commencement de l'hiver, fixait souvent des limites moins étroites, et même on peut croire que bien des cabarets restaient ouverts une partie de la nuit.

Il fallait une enseigne. La plupart du temps c’était simplement un buisson ou, pour mieux dire, « un bouchon » ; d’où le nom de « bouchon », qui est resté en usage pour signifier un cabaret de chétive apparence et un bistrot

Bien qu'à partir de 1695, on ordonna aux cabaretiers « de garnir leurs caves de toutes sortes de vin et d'en débiter au public à divers prix, bon vin et droit, loyal et marchand, sans estre mélangé, n'excédant le prix qui sera par nous mis d'année en année ; tous les cabaretiers seront tenus mettre une pancarte où ledit prix sera écrit, à peine de 400 livres parisis d'amende. », ils continuèrent à vendre parfois une boisson étrange où il n'entrait pas une goutte de jus de raisin : il était remplacé par du bois de teinture et de la litharge. Le vin était traité avec du plomb pour l’adoucir et le sucré, cela pouvait entrainer la mort si il y avait trop d’excès.

Intérieur de cabaret.
Modification du vin. Litharge.

Les fautes majeures pour lesquelles peuvent être punis ces débitants de vin ou sont mis en garde consistent à tenir la maison ouverte à l’heure du service divin, tolérer les jeux de hasard et les blasphèmes, donner asile aux vagabonds, larrons et gens mal famés et servir des vins souillés ou mêlés. 

Cabaret près d'une rivière.
Divertissement au cabaret

La gloire des cabarets


Les bourgs qui drainaient une population importante lors de foires et des marchés possédaient des cabarets ou des cafés lieux très importants les jours de foires car chaque café sert de rendez-vous à des catégories professionnelles déterminées. Certains consommateurs vont préférer les cabarets aux tavernes. Ils devinrent les nouveaux lieux de convivialité et de fêtes, voire de débauche pour certains. En tous cas des lieux très fréquentés par toutes les couches de la société.


A partir du XVIIe siècle, les gens aisés se divertissent au cabaret laissant la taverne aux petites gens, c’est en tout cas ce qui ressort d’une lettre royale de 1680 dans laquelle on peut lire " Il n'y a que le menu peuple seulement qui se retire chez les taverniers."


On trouvait des cabarets en grand nombre dans toutes les grandes villes où les commerces, les fabriques et les artisans étaient nombreux.

Déclaration du roy, réglementant le statut des cabaretiers hôteliers et taverniers. Nettoyage d'un broc.

Les professions d'hôteliers, de cabaretiers et de taverniers, sont confondues au milieu du 18ème siècle : la police leur a prescrit quelques règles relatives à la religion, aux mœurs, à la santé, et à la sûreté publique, qui sont fort belles, mais de peu d'usage.


Les cabaretiers à cette époque firent évoluer leur profession vers celle de « marchands de vins-traiteurs ». Ils préparaient et servaient des repas de noces, et se mirent à préparer des repas pour des habitués et des clients de passage. Au XVIIIème siècle, les cabarets permettaient aux personnes travaillant hors de leur domicile de déjeuner rapidement et simplement durant leur pause.

Phénomène de la basse courtille.

Au 18ème siècle apparurent les guinguettes qui sont des lieux où sont concentrés les cabarets et sont situées en périphérie des villes où le peuple vient boire du vin à meilleur marché qu’à la ville. En effet, c’est l’absence de taxes sur les vins que l’on servait qui fit le succès des guinguettes, établissements propres aux bords de Seine. Populaire et familiale, la guinguette est toujours vivante et elle a su évoluer avec les demandes de la clientèle.

Terrasse de la guinguette Lemaire sur l'île de Chatou, peinte par Renoir.

A Paris, le cabaretier devient au fils du temps le propriétaire d’un cabaret où se réunissaient les poètes et les gens d’esprits. Véritable prolongement de la place publique, le café parisien se trouve à l’origine de la culture populaire. A partir de 1789, les plus célèbres cafés parisiens deviennent le siège des sociétés patriotiques et autres clubs. On y échafaude les émeutes de demain et les coups d'Etat.

 

Longtemps lieu proscrit par les autorités religieuses sous l’ancien régime et très contrôlé par la police au XIXème siècle, le cabaret est aussi un espace de transgression, d’agitation politique et syndicale où se diffusent parfois des écrits subversifs.


Il devient aussi le lieu de réunion des peintres (par exemple Montmartre) où le café se mêle à l’atelier. Chaque école de peintre ayant ses cafés. À l’aube du XXe siècle, la butte Montmartre verra s’installer une multitude de cafés, restaurants, cabarets. Le plus célèbre étant le cabaret du Chat noir, ouvert en 1881, par Rodolphe Salis. Ce cabaret devint vite un lieu mythique. 

 

Au quartier Latin ce sont les étudiants et toute cette jeunesse dissipée qui se retrouvent dans les cafés.

 

Une séance du comité des étudiants au café Voltaire. La cavalcade de la Mi-Carême.

En province, les cabarets deviennent des bistrots (estaminets dans le Nord Pas de Calais) où ils ont un formidable développement. Puis ils ont été mis à mal par les guerres et renversés notamment par l’arrivée de la télévision dans les foyers vers 1945.


Pour faire une petite comparaison, avant la Grande Guerre, il y avait un établissement pour 54 habitants dans le Pas de Calais et un établissement pour 114 habitants dans le Finistère.