L'ABBE BORREAU
L’affrontement de 1870-1871 qui opposa les troupes françaises aux troupes prussiennes et allemandes, se solda par le désastre de Sedan et la ruée des Prussiens en direction de la capitale. Cependant, Paris est protégé par une enceinte renforcée de 31 kilomètres et, au-delà, par une ligne de forts, dont le Mont Valérien à l’ouest. Leurs effectifs étant trop faibles, les Prussiens se tiennent à distance respectueuse.
Le 19 septembre 1870, les premiers Uhlans* entrent à Chatou sous le commandement du Colonel Crusius, à la tête du 4ème bataillon de chasseurs, dépendant de la 6ème division de cavalerie du 4ème corps d’armée, placée sous les ordres du duc de Bade.
Malgré des succès initiaux - prise de La Malmaison et avancée jusqu'à Bougival - le général Ducrot échoue à déloger les Prussiens fortement implantés à Chatou, de moindre façon à Carrières.
A Chatou, pour suppléer l'absence de leur curé, les paroissiens catoviens font appel à l'abbé Guillaume Borreau, alors curé de Carrières-Saint-Denis. Celui-ci affronte les dangers du parcours, la route de Carrières à Chatou étant sous le feu continu des canons du Mont Valérien, pour venir quatre fois par semaine à Chatou afin d’officier et d’assister les habitants.
* Uhlans : Nom donné aux cavaliers lanciers de l’armée germanique.
Un jour, alors que l’abbé Borreau, comme à l’accoutumée, se rend à Chatou, il a la surprise de découvrir, gémissant le long de la route de Carrières, un soldat badois grièvement blessé. Il relève aussitôt et le transporte à Chatou pour que lui soient donnés des soins, lesquels sont prodigués par le docteur Lelièvre, demeurant à proximité de l’église.
Le 9 octobre 1870, alors que les bombardements se poursuivent de côté et d’autre du fleuve, la cloche de l’église de Chatou se met brusquement à sonner. Les Prussiens, surpris, croient à un signal donné aux assiégés. Ils se précipitent dans l’église, montent au clocher et y trouvent des fusils et des cartouches, ces armes provenant de soldats français blessés.
Le colonel Crusius fait arrêter, séance tenante, Monsieur Laubeuf et le secrétaire de la mairie, Monsieur Duvivier, et décide de les garder en otage. Ceux-ci sont bientôt condamnés à être passés par les armes. C’est alors qu’intervint l’abbé Borreau.
Dès qu’il est informé de la sentence, condamnant à mort les deux otages, que le colonel Crusius a fait mettre sous bonne garde, il se présente à celui-ci et déclare : « Prenez ma vie, mais ayez pitié de deux pères de famille. S’il vous faut une victime, prenez-moi, mais ne faites pas des orphelins ».
Le colonel Crusius, apprenant par le docteur Lelièvre l’acte d’humanité accompli par l’abbé Borreau envers un soldat ennemi, accepte d’accorder grâce aux otages et ceux-ci sont immédiatement libérés, non sans avoir été dépouillés de leurs vêtements par leurs gardiens.
Ce n’est pas la seule fois que l’abbé Borreau eut à intervenir auprès des autorités badoises. La ville de Chatou avait été imposée, par l’ennemi, à une contribution de 2 000 francs. L’abbé tente une intervention auprès du colonel Crusius et réussit à faire provisoirement renoncer celui-ci à cette levée d’impôt de guerre qui ne fut ainsi jamais payé.