LA CULTURE DU CHAMPIGNON

Le champignon de Paris fut découvert fortuitement en 1813 par un officier en disgrâce qui, pour échapper au châtiment de l’empereur Napoléon 1er, s’était réfugié dans une carrière abandonnée au sud de Paris. L’année suivante, un dénommé Chambry, maraîcher de la rue de la Santé, s’investit entièrement dans la culture souterraine du champignon et créa des champignonnières sous toute la rue de la Santé, de l’hôpital Cochin au boulevard Saint Jacques. D’autres producteurs suivirent son exemple, mais les carrières souterraines de Paris devenant rapidement trop exigües, les champignonnistes s’installèrent dans la proche banlieue à Montrouge, Bagneux, Meudon, Ivry, etc…

En 1845, cette nouvelle culture fut saluée par une communication publiée dans le Bulletin de la Société Royale d’Horticulture par le président fondateur de cette institution, le vicomte Héricart de Thury, inspecteur général des carrières de Paris de 1809 à 1831.

Les champignonnistes de Carrières

On ignore quand a commencé la culture des champignons de couche dans les carrières souterraines abandonnées de Carrières-Saint-Denis mais on sait que, le 23 octobre 1848, Louis Auguste Balagny possède une carrière à côté du chemin vicinal de Houilles à Carrières dont l’exploitation a été abandonnée et sert désormais à la culture des champignons.

Des champignonnières s'ouvrent peu à peu au XIXème siècle et l'essor du chamignon de couche est tel que 28 septembre 1890, à l’occasion d’une exposition d’horticulture organisée par la société d’horticulture de Bougival, Jules Vannequé obtient une médaille de vermeil de 3ème classe.

La grève des ouvriers champignonnistes de 1909

Le 30 septembre 1907, est créé le syndicat des ouvriers champignonnistes de Carrières, Houilles et Montesson. Albert Arsac en est le secrétaire général trésorier, Lucien Fleury le secrétaire adjoint. Les membres du bureau sont Jules Martin, Georges Chailloux et Ernest Marceau.

 

En septembre 1909, éclate la grève des ouvriers champignonnistes qui quittent le travail dans les exploitations de Carrières-sur-Seine, Houilles et Montesson.

Ils revendiquent un salaire de 0,70 F de l’heure, une journée de 10 heures, 1 F par heure supplémentaire, la suppression du travail à la tâche, un contrat collectif de la loi sur les accidents du travail. Le maire M. Gally organise une réunion entre les patrons et les délégués grévistes. Les patrons protestent contre la présence de délégués étrangers à la corporation : ils ne veulent entrer en discussion qu’avec les ouvriers champignonnistes de la région. Les ouvriers se réunissent au café tabac après avoir entendu MM. Lapierre et Ceppe. Ils votent la continuation de la grève.

La grève durera 15 jours. Un contrat est signé le 1er octobre 1909 entre les patrons et les ouvriers : 0,60 F à 0.65 F de l’heure et 1 F pour les heures supplémentaires, suppression du travail à la tâche. Le 9 octobre 1909, le comité républicain radical et socialiste adopte les vœux suivants : la municipalité veillera au respect de la liberté du travail ; il regrette les faits de sabotage pendant la dernière grève, tout en reconnaissant le droit de grève et le droit au travail ; il demande à la municipalité de veiller au départ des gendarmes dans le plus bref délai, intervenus pour les services d’escorte et de surveillance. Le 7 novembre 1909, le conseil municipal évoque les dépenses relatives au séjour de la gendarmerie pendant la grève, soit   348,11 F.

Le 1er mars 1929, sera créé le syndicat des ouvriers champignonnistes de la région parisienne, en remplacement de l’ancien syndicat qui ne regroupait que les villes de Carrières, Houilles et Montesson. Le siège est au café de l’Abbaye, 61, Grand’ Rue à Carrières. Son secrétaire est Ernest Suzanne, le secrétaire adjoint, Ernest Fleury. En 1910, Théodore Voillereau devient président des patrons champignonnistes. Selon lui, il y a 28 champignonnières sur la commune. En 1913, suite au décès de M. Gally, Théodore Voillereau est élu maire et le restera jusqu’en 1935.

A partir de 1920, des Italiens venus de la région de Bergame viennent travailler comme ouvriers dans les champignonnières. Ils ont fait venir leurs familles et se sont implantés à Carrières. Certains ont loué des carrières souterraines et se sont mis à leur compte : ils sont ainsi devenus patrons et ont embauché des ouvriers.

La culture du champignon de Paris

A Carrières, il existait deux types de champignonnières, installées dans les anciennes carrières souterraines d'extraction de pierre : celles desservies par bouche de cavage ou rampe de descente, les autres par puits d’extraction (procédé définitivement abandonné en 1975).

La température ambiante doit être de 12°C maximum. La carrière doit être ventilée par un puits d’aération ou cheminée et équipée d'un puits pour arroser les champignons. On s’éclaire au début avec des lampes à huile puis avec des lampes à carbure, enfin avec des lampes électriques frontales.

Puits d'aération.

Le fumier de cheval était livré par wagons à la gare de marchandises de Houilles. On le dispose ensuite en meules (petits monticules tassés) larges de 0,50 m et hauts de 0,35 m. On laisse un passage de 0,25 m entre deux meules, puis on procède au lardage de la meule qui consiste à mettre la semence, ou mycélium ou encore blanc de champignon, sur les deux côtés de la meule, à peine enterrée. Au bout de 80 à 100 jours, on obtient  du mycélium de semis ou blanc vierge.

Mais cette méthode était aléatoire - la semence pouvait ne pas donner satisfaction. En 1926, un jeune champignonniste, André Sarazin, se met à en fabriquer par germination artificielle. Il devient ainsi le premier producteur de blanc de semence de champignons.

Ensuite, on réalise le gobetage sur toute la surface de la meule, en mettant une couche de 2 à 3 cm de cran de moellon finement broyée. Pour réaliser ce travail, on se sert d’une pelle à gobeter et, pour le transport du cran, une brouette polka qui peut passer entre les meules. Enfin on procède à l’arrosage.

Au bout de cinq semaines, on commence la cueille des champignons qui s’étale sur  environ six semaines. En fin de récolte, on remonte le corps de meule et on le vend aux cultivateurs ou aux maraîchers pour la fumure de leurs terres.

Par la suite, la culture du champignon a évolué et s’est simplifiée.

En 1952, on la pratiquait dans des caisses en bois que l’on superposait puis, en 1970, dans des sacs en plastique, et enfin, vers 1990, dans de grandes caisses métalliques. Le principe reste néanmoins toujours le même : fumier de cheval, semence de blanc ou mycélium, et cran.

Cuture en sacs plastiques.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Machine d'ensachage.

En 1942, la surface exploitée était de 27 hectares. On recensait 15 patrons champignonnistes. En 1948, 17 patrons champignonnistes exerçaient leur activité dont la majorité étaient italiens.

Les rendements annuels ont décru pendant la deuxième guerre mondiale. Le procédé industriel de culture en chambres et la concurrence commerciale des champignons de Pologne et des Pays Bas ont poussé à la fermeture successive des champignonnières, notamment le plus important producteur de champignons de Carrières, « Champisac », route de Saint Germain, anciennement les établissements Guy Renard. Il ne reste qu’un seul producteur de champignons, Jean-Claude Spinelli, rue des Alouettes.