Le passage Bellevue

Au premier plan, la Seine. Au 2ème plan, l'île avec ses prés. Au 3ème plan, Nanterre et ses usines.

La ville vient de lui donner ce nom par l’apposition de deux plaques. C’est un grand escalier de 77 marches avec 3 paliers. Les deux premières marches, côté rue de Bezons, viennent d’être remplacées.

Il est très ancien puisqu’il existe déjà sur le cadastre de 1820. C’était une ruelle ou vallée très pentue. Il n’y avait qu’une maison à mi-côte. Elle servait à relier la rue des Vaux (actuelle rue Gabriel Péri) à la rue du Fanil (ou rue de Bezons). C’était un raccourci pour les riverains d’en haut et d’en bas, pour se rendre vers la Plaine du Dessus de l’Eau, ou aller chez les commerçants de la rue des Vaux.

La construction d’un grand escalier fut décidée par le conseil municipal du 3 mai 1840. L’idée était ingénieuse car non seulement il facilitait la circulation des piétons mais surtout on utilisait la construction de cet ouvrage pour assainir une partie de l’actuelle rue Gabriel Péri, en évacuant en souterrain toutes les eaux de ruissellement et eaux usées du quartier.

Les travaux de construction furent adjugés à forfait au sieur Hubert, entrepreneur, pour la somme de 250 Francs. Celui-ci s’engageait à faire pour ce prix les travaux de pose des marches avec un caniveau pour l’écoulement des eaux sous lesdites marches qui doivent être en quantité suffisante pour monter de la ruelle qui a une issue de la rue du bas à la rue du haut. Le caniveau devait avoir 15 pouces (0,43 m) de largeur et un pied (0, 33 m) de profondeur, en moellon dur et profilé à la chaux et sable.

La commune possédant déjà une partie des marches nécessaires, le surplus fut acheté au sieur Alphonse Sarazin, carrier, soit 4 m3 de pierre pour la somme de 120 Francs.

Dans sa délibération, le conseil municipal se déclare satisfait du faible montant de cette dépense et le déclare avantageux pour la commune ; mais il explique que c’est en raison du « sacrifice » fait par l’entrepreneur Hubert qui, étant également marchand de vins à l’encoignure de la ruelle (une construction nouvelle donnant sur environ 8 mètres, rue des Vaux), espère que ce grand escalier favorisera son commerce.

Heureux temps béni mais révolu que celui où le budget communal était avantagé par les sacrifices des commerçants et des entrepreneurs, dans une fusion bien comprise des intérêts personnels avec l’intérêt général de la collectivité !

Je pense que c’est Monsieur Ambrois ROULLIER qui donna, vers 1900, le nom de son « Café Restaurant de Belle Vue » qu’il a fait peindre sur les façades nord, rue Gabriel Péri, et sud, visible de la rue de Bezons. Ce nom a continué du temps de Monsieur LUDET, avant 1914.

J’ai connu Madame LUDET, juste après la fin de la 2ème guerre mondiale. Elle était à ce moment-là très handicapée et ne marchait qu’avec des cannes. Elle tenait le comptoir de la vente du tabac, des timbres fiscaux et de la régie sur les alcools. Elle avait perdu son mari jeune et s’était remariée dans les années 1920 avec Monsieur Fernand SUZANNE, dit « Ficelle ». il était célibataire et était revenu de la guerre de 1914-1918 avec une jambe raide. Ils avaient continué le commerce de café, tabac, mais avaient abandonné la restauration. Ils ont pris leur retraite en 1951.

Je pense que la ville a pris une bonne décision en donnant le nom du Passage Belle Vue.

Daniel WILLEMAIN