Louis GANDILLET, l'un des 27 martyrs de Chatou

Les 27 martyrs de Chatou constituent l’un des épisodes les plus absurdes et les plus inhumains de la Libération par son caractère cruel et gratuit.

En se repliant du territoire français, les Allemands, dans l’amertume de la défaite annoncée, exécutèrent des actions de représailles sur les civils et les résistants. Ce fut le cas à Chatou, ce 25 août 1944 lorsque les Allemands, déjà en ordre de repli à Saint Germain-en-Laye, revinrent sur leurs pas à Chatou pour y exécuter, sur dénonciation, civils et résistants.

Cet épisode donna lieu à des représailles sanglantes, qui émurent jusqu’à des personnalités aussi célèbres que François Mauriac. Face à l’indicible horreur, ce furent quelques dix mille personnes qui assistèrent à l’enterrement des 27 hommes morts sous les coups de la barbarie nazie.

LA DIRECTIVE SPERRLE-ERLASS

Elle prescrivait à la troupe de répondre immédiatement par le feu quand elle serait attaquée par la résistance française. Selon cette instruction, si l’on atteignait des civils en ripostant par le feu, ce fait serait regrettable, mais serait exclusivement la faute des «terroristes ». Si les tirs provenaient d’un bâtiment, les soldats devaient incendier cette maison.

Comme les Allemands refusaient catégoriquement le statut juridique du «combattant» aux FFI/FTP, les résistants pris avec l’arme à la main étaient habituellement tués sur-le-champ ou peu de jours après. Cette attitude n’était pas jugée comme un crime de guerre à l’époque. Elle le sera ensuite, lors du procès de Nuremberg en 1945 qui en donnera une définition précise.

CHATOU, PENDANT L’OCCUPATION, FAIT PARTIE DE LA 6EME REGION DES F.F.I., SOUS LA DIRECTION DU COMMANDANT BONNET dit « LACOTTE ».

En 1941, LACOTTE s’engage dans la Résistance. En 1943, il prend en charge le 3ème secteur de la 8ème région F.N.-F.T.P. (le canton d’Argenteuil) à la demande du docteur DERVAUX et s’occupe notamment du recrutement et de l’organisation des groupes de combat. Fin 1943, il récupère la 6ème région à la mort de DERVAUX.

Dès le début de 1944, LACOTTE commence le travail d’organisation militaire et d’administration du secteur de Marly-le-Roi, Saint-Germain-en-Laye, Maisons-Laffitte, Poissy et Meulan. Les effectifs militaires de la 6ème Région Ile-de-France s’élèvent, à la Libération, à trois mille cinq cents hommes. Ils sont soumis à une organisation militaire stricte.

Placés sous le commandement de BONNET-LACOTTE, lui-même entouré d’une équipe rapprochée, plusieurs hommes commandent chacun une ville du secteur. Un service de santé lui est même adjoint. Pour Chatou, qui nous intéresse plus particulièrement, le capitaine TORSET est secondé par les lieutenants FLEURY-MARTIAL, LECAROU et ROBERT ainsi que par le sergent-chef BONNEAU.

APRES LE DEBARQUEMENT, UNE SERIE D’ACTIONS SONT LANCEES.

Le 14 juillet 1944, en exécution des ordres qu’il avait donnés dans toute la région, ont lieu des manifestations et des accrochages avec l’ennemi pour prouver la  présence des résistants sur le territoire.

Le 19 juillet 1944, les responsables militaires des différents groupes de résistance se réunissent à Chatou et reconnaissent l’autorité de la direction de la 6ème région F.N. d’Ile-de-France. En lui confiant le commandement, ses chefs confirment cette responsabilité. Dès le 17 août, soit personnellement, soit par le service de liaison, il donne l’ordre de passer à la lutte ouverte contre l’ennemi, en tenant compte des possibilités locales. L’exécution est immédiate. A tout moment, les contacts et le contrôle général des opérations sont gardés.

LES ACTIONS DES F.F.I. DE LA BOUCLE DE SEINE SE MULTIPLIENT

Le jeudi 17 août, les F.F.I. recherchent avec succès des armes dans les propriétés. Un groupement de patriotes se constitue, formant la Résistance de Chatou. Ils prennent possession du Château de la Pièce d’Eau, sous la direction de leur chef, le commandant TORSET.

Illustration de la couverture des notes de combat d'un groupe F.F.I. du Front National

Le vendredi 18 août, la résistance se manifeste au grand jour dans la région. Répondant à l’appel du général KOENIG, le lieutenant-colonel ROLL prend le commandement des formations F.F.I. de l’Ile-de-France.

Dans toute la France, les divers groupements locaux répondent à l’appel des chefs. Le Front National, les Francs-Tireurs et Partisans, l’Union des Femmes de  France, Libération, Combat, se joignent aux organisations civiles et militaires (O.C.M.) et à celles de   la police et  de la gendarmerie.

Les Résistants font une douzaine de prisonniers allemands qu’ils rassemblent au château.

Le dimanche 20 août, d’autres patriotes se joignent à eux. Georges BLAIZOT et deux de ses camarades font prisonniers un Allemand et deux miliciens, armés de mitraillettes, qui arrachaient, près de l’église de Chatou, les affiches appelant les citoyens à la Résistance.  

Le lundi 21 août, à 15 heures 15, les F.F.I., encadrés par leur chef TORSET, investissent la mairie. Gendarmes, agents de police, pompiers, tous en tenue, se massent avec les F.F.I. derrière la mairie. Des personnalités officielles sont désignées pour prendre la direction des affaires communales. Les commissions s’organisent rapidement au cabinet du maire. Ainsi qu’il avait été décidé avant le déclenchement de l’insurrection, le Comité Local de la Libération est désigné avec pour président, M. MARTIN et pour vice-président, M. TUFFIER, commis aux affaires administratives. 

Le maire, M. RAMAS, élu par Vichy, est prié de quitter les lieux. Il est conduit au château de la Pièce d’Eau où il est enfermé de 16 à 19 heures. Reconduit ensuite chez lui il est mis en résidence surveillée pendant quatre jours jusqu’au 25 août à midi. Le drapeau est hissé à la façade de la mairie et sur les monuments publics. La foule qui s’est massée entonne la « Marseillaise ». M. TUFFIER fait son entrée dans les bureaux alors que des camions chargés d’Allemands passent à chaque instant.

Le mercredi 23 août, Raymond ACQUARD (41 ans), père de 5 enfants, vétéran des campagnes coloniales, est abattu d’une rafale de mitraillettes, par une colonne allemande remontant la rue Camille Périer. Il est le premier des 27 martyrs de Chatou.

Le jeudi 24 août, pendant que Paris acclame l’armée Leclerc, l’ennemi est harcelé à Rueil, à Carrières, à Croissy, à Montesson, au Vésinet et dans toutes les localités des environs. Avant de fuir, les Allemands font tout sauter autour d’eux : les ponts, les péniches et les trains de munitions.

A Chatou, les attaques continuent. Les F.F.I. se multiplient. La Kommandantur et l’organisation Todt[1] sont en fuite. Prisonniers et matériel rejoignent les précédents.

Le fils de Gaston MAUCHAUSSAT, Jean, opère une reconnaissance dans les lignes ennemies. Son père raconte dans sa déclaration que : « Les Américains n’avaient pas encore dépassé FLINS entre Mantes et Saint-Germain-en-Laye, il ne fallait donc pas compter sur un secours rapide de ce côté. Pendant la nuit ou dans la soirée un détachement allemand avec deux tanks s’installa au Pont de Chatou et commença des travaux pour défendre le pont contre des éléments américains ou de l’armée Leclerc et qui se trouvaient près de Rueil. La nuit se passa dans l’attente ».

(1) Formation paramilitaire créée en 1938 pour utiliser à des fins économiques et stratégiques la main-d'oeuvre des chômeurs. Sous la direction de Fritz Todt, puis d'Albert Speer en 1941, elle entreprit de nombreux travaux de fortification dans les territoires occupés, notamment le mur de l'Atlantique, la ligne Gustav et les bases de lancement de V1. En 1944, l'organisation Todt encadrait plus de 2 millions de travailleurs, en majorité étrangers (prisonniers, déportés, requis).

Une reconnaissance du lieutenant René ROBERT renseigne le commandant sur le pont de Chatou, miné par les Allemands. Décision est prise de rapatrier les riverains du pont au château de la Pièce d’Eau, transformé en Centre de la Croix Rouge.

Lors de son ultime réunion avec ses hommes, le commandant TORSET (alias LE BARON) leur pose clairement la question. Ainsi le relate Gaston MAUCHAUSSAT dans sa déposition : « Si nous sommes attaqués par cinq cents hommes tiendrons-nous le coup ? Tous nous répondîmes : Non, si les Allemands sont bien armés ». Or on savait qu’il y avait deux tanks au pont à quelques centaines de mètres du château. Alors, dit LE BARON : « Il faut abandonner le château, cacher les armes, faire disparaitre tous les documents ». Ce plan fut mis à exécution.

Les F.F.I. s’empressent de faire disparaitre ce qui pouvait rappeler le caractère militaire de l’occupation du château. La grille du château est ouverte afin de faire entrer les gens qui arrivaient par l’avenue de la Pièce d’Eau fuyant le quartier du pont que les Allemands s’apprêtaient à faire sauter.

LA JOURNEE DU 25 AOUT : LE DEROULEMENT DES EVENEMENTS

Depuis le 18 août, les F.F.I. locaux ont fait environ une quarantaine de prisonniers : 23 soldats allemands, ainsi qu’une vingtaine de miliciens, de civils, de collaborateurs, agents de la Gestapo et des femmes.

Le 25 août ils sont tous rassemblés chez Monsieur VUEZ à la villa Lambert près du château de la Pièce d'Eau, sous le commandement de René ROBERT. Les Allemands - il s’agit du détachement Mobile Einhert n°62800 de l a 2e Fallschirmjägerdivision commandé par l’Oberleutnant Werner KLEIN - étant revenus en force dans les environs de Chatou, le commandant TORSET, chef des F.F.I. de Chatou, donne l’ordre de dissimuler les armes et les brassards.

Vers dix heures, les Allemands, sur l’indication d’un(e) collaborateur, attaquent le château avec grenades et mitraillettes, appuyés par deux chars et deux autos-mitrailleuses. Les F.F.I. sont faits prisonniers. Les Allemands réclament que leur soit indiqué le lieu de détention de leurs compatriotes.

Pour éviter un inutile massacre, le commandant TORSET prend la décision de rendre les prisonniers et conduit les Allemands à la villa Lambert. Il demande alors à ses camarades de libérer les prisonniers : « Mes camarades, il faut rendre les prisonniers allemands pour éviter un massacre » et conclut son ordre d’un « Vive la France ! Vive de Gaulle ! ».  Les gardiens comprennent alors le sens du cri de ralliement de leur chef et ouvrent le feu. Le commandant TORSET est immédiatement abattu d’une balle dans la nuque.

Mais devant un ennemi supérieur en nombre, René ROBERT donne l’ordre de repli. Seul Henri FISSEUX, grièvement blessé, reste sur place pour couvrir leur fuite. A court de munitions et ne voulant pas tomber entre les mains des Allemands, il se tire une balle de revolver dans la tête. Les Allemands furieux lui écraseront la tête à coups de crosse. Henri, né en 1924, était marié et père d'une fille. Il avait 20 ans.

Henri Fisseux se donne la mort

Les soldats et les civils allemands qui viennent d’être libérés désignent une douzaine de F.F.I. qui sont frappés violemment avant d’être fusillés devant le château. Les Allemands n’en restent pas là, ils veulent se venger des « terroristes ». Les S.S. désignent douze nouvelles victimes qui sont frappés violemment avec des tessons de bouteilles et la crosse des fusils. Les Allemands vont jusqu’à leur arracher les yeux. Ils sont ensuite abattus à bout portant. Trois F.F.I. sont obligés de creuser une tombe pour les fusillés puis une pour eux avant d’être exécutés à leur tour.

Une Allemande, qui vient d’être libérée, désigne Lucien GAUTIER, un chef de section. Celui-ci est frappé puis emmené au lieu de l’exécution. A ce moment, deux ex prisonniers allemands interviennent auprès du commandant S.S. en invoquant les bons soins prodigués par Lucien GAUTIER aux prisonniers.

Au même instant, un motocycliste allemand se présente à l’officier S.S. et l’informe que les Américains sont signalés de l’autre côté de la Seine. Cette nouvelle sauva la vie de GAUTIER. La troupe S.S. décide donc de quitter rapidement le château et y met le feu.

LES CORPS SERONT EXHUMES ET IDENTIFIES LE 26 AOUT.

Les 27 sont nettoyés par une infirmière, Mme MAUCHAUSSAT, qui retrouve son troisième fils parmi les corps. Ils sont présentés dans une chapelle ardente installée sous la terrasse du château. Leur identification est rendue très difficile en raison des mutilations qu’ils ont subies.

L’ENTERREMENT A LIEU LE 28 AOUT au cimetière des Landes à Chatou, en présence d’une foule nombreuse – 10 000 personnes au minimum et de représentants de l'armée LECLERC et de soldats américains. La messe est dite par M. l’abbé GUIOU, curé de la paroisse. L’absoute est donnée par l’abbé VIEL. Une cérémonie strictement civile a lieu par ailleurs.

La sonnerie « Aux Champs » précède l’appel des morts. Cinq plateaux traînés par des chevaux conduisent les corps au cimetière. Les cercueils disparaissent sous les fleurs. Une délégation de l’armée Leclerc assiste à la manifestation. Un détachement de soldats américains, précédés d’un char, s’est joint aux troupes françaises.

Les cinéastes américains filment la cérémonie. Les soldats américains se mettent en peloton et tirent une dernière salve d’honneur. La Marseillaise retentit, chantée par l’assistance. Le Président du Comité de Libération de Chatou, M. MARTIN, prend la parole « pour exalter la bravoure de ces 27 martyrs qui sont unis dans la gloire ». Le lendemain, un V1 s’abattra au 8 de la Villa Lambert.

Seuls, 24 des 27 martyrs y sont enterrés. Même si leurs noms figurent sur le monument dédié aux 27 fusillés, trois d’entre eux sont enterrés séparément : KURZ à Chatou, ACQUART à Croissy-sur-Seine et Louis GANDILLET à Carrières-sur-Seine. Sur sa tombe, son père fera porter l’inscription suivante : « Ici repose Louis GANDILLET né le 27 juillet 1924 à Lyon. Fusillé par les soudards allemands le 25 août 1944 à Chatou. NI DIEU NI MAITRE ».

L’ENQUETE DE L’INSPECTEUR JUFFIN : LE BILAN

27 F.F.I. furent massacrés, âgés de 17 ans (André COUESPEL) à 56 ans (le Commandant TORSET) ; 8 Allemands ont été faits prisonniers par les F.F.I. certains les dénonçant à leur libération ; 10 autres Allemands sont présumés coupables de dénonciation ou de participation au massacre ; 11 Allemands ont été inculpés ; 30 personnes autres qu’allemandes ont été inculpées ou présumées coupables de dénonciation ; 21 personnes ont témoigné.

LES RECHERCHES

Un appel a été lancé aussitôt par le Comité Local de Libération de Chatou, sous les ordres de M. ROBERT, commandant des F.F.I. de Chatou, afin d’identifier les responsables du crime. Une commission rogatoire est créée sous la direction de M. H. MAZEL, juge d’instruction au Tribunal de la Cour de Justice de Seine et Oise, pour enquêter sur des inculpés pour atteinte à la Sûreté de l’Etat.

Il demande à M. le Commissaire Divisionnaire Chef de la 1ère Brigade de Police Judiciaire à Paris de procéder à des opérations d’enquête. L’enquête est donc menée par l’Inspecteur principal Alfred JUFFIN qui remet un rapport circonstancié et détaillé d’une trentaine de pages, le 22 février 1945. 132 procès-verbaux ont été établis à partir des déclarations des témoins, de confrontations de témoins, ou de perquisitions. Il est aidé activement par Gaston MAUCHAUSSAT qui crée, en 1946, l’Association des familles des martyrs de Chatou dont le siège est à la mairie de Chatou.

Le 23 février 1945, il écrit que « [Les dénonciateurs], dont l’arrestation a été effectuée avec la collaboration de l’Organe de Recherche des Criminels de Guerre, 48 rue Villejust à Paris, (…) ont été déférés, le 22 courant, devant M. le Commissaire du Gouvernement près la Cour de Justice à Versailles et inculpés d’atteinte à la Sûreté de l’Etat, par M. MAZEL Juge d’instruction qui les a fait écrouer ».

Les militaires allemands sont recherchés activement par la police française avant leur sortie de territoire, selon un ordre d’informer contre 10 individus émis par le Service de Recherche des Crimes de Guerre, seul organisme compétent pour les méfaits commis par des ressortissants ennemis. (Les Français coupables d’intelligence avec l’ennemi relèvent de la compétence des tribunaux militaires).

Je ne parlerai pas plus en détail de cette enquête qui fait ressurgir la lie comme l’héroïsme des témoins et des participants de ce drame. En effet, on peut aussi s’interroger sur le rôle joué par la mairie et la police de Chatou à l’époque. Comme le dira si bien François MAURIAC, « Ces quatre années continuent de nous juger, ou plutôt, elles nous ont déjà jugés : elles ont fait remonter du  plus secret des cœurs, elles ont fait apparaître en pleine lumière ce qui était caché, le meilleur, le médiocre et le pire ».

LE PROCES

Le 17 mai 1946, la Cour de Justice de Versailles, tribunal d'exception constitué à l’occasion du procès, rend son verdict sur le crime commis contre les 27 résistants de Chatou. Le président de la Cour, M. PIHIER, avait été l’un des magistrats instructeurs de l’affaire PRINCE en 1934.

Les accusés reconnurent les faits. Les deux principaux délateurs s’étaient enfuis mais furent retrouvés et mis en prison jusqu’au jugement. Condamnés à mort, ils furent exécutés au terrain militaire de Satory. Deux autres dénonciateurs furent condamnés à 15 et 8 ans de travaux forcés, une femme fut condamnée à 5 ans de réclusion, un autre à un an de prison. Tous les condamnés furent désignés à l’Indignité Nationale. Quatre ont survécu. L’un d’entre eux a été condamné aux travaux forcés et a été affecté au nettoyage du camp d’extermination de Struttoff à Nachwiller.

EPITAPHE

François MAURIAC, grand thuriféraire du Général DE GAULLE, dans son éditorial du Figaro du 18 mai 1946, intitulé « L’esprit de la Résistance », exprime son point de vue au sujet des 27 fusillés de Chatou : « Dans cette affaire sinistre de Chatou que l’on juge à Versailles, je détourne mon attention des traîtres sur les victimes. (…) A peine osons-nous aujourd’hui parler de la Résistance, comme si entre ces héros et nous s’accumulaient trop de réputations menteuses, trop de fausses gloires, comme si nous n’arrivions plus à discerner ceux d’entre eux qui se démasquèrent, le moment venu, à l’heure du plus grand péril.

François Mauriac

Ils ont existé pourtant, et beaucoup parmi ceux qui ont vécu étaient dignes de parler en leur nom. Que s’est-il donc passé ? Reconnaissons simplement que l’esprit de la Résistance  a été contaminé par la politique. Dans un homme, pourtant, il subsiste à l’état pur (le Général DE GAULLE).

(…) Il ne dépend de personne que chacune de nos vies n’ait pris, durant ces quatre années où la marée allemande nous a recouverts, comme une coloration qu’elle ne perdra plus. Ces quatre années continuent de nous juger, ou plutôt, elles nous ont déjà jugés : elles ont fait remonter du  plus secret des cœurs, elles ont fait apparaître en pleine lumière ce qui était caché, le meilleur, le médiocre et le pire. Nous nous débattons en vain : nous avons tous au front désormais une marque, un signe, une note que le destin nous a donnée, qu’aucune complaisance n’effacera et que nous emporterons dans la mort."