UNE TAXE TRES CONTESTEE...

LA TAXE LOCALE ANNUELLE SUR LES VEHICULES AUTOMOBILES COMMERCIAUX ET LES VOITURES A CHEVAUX.

Déclaration de René Willemain qui,

suite à l’achat de sa première camionnette en 1933,

était redevable de cette taxe locale sur les véhicules automobiles.

 

La taxe votée en novembre 1930 sur les véhicules automobiles commerciaux et les voitures à chevaux créa une véritable rébellion en conseil municipal l'année suivante...

Le 11 décembre 1930, le conseil municipal vote une taxe locale annuelle sur les véhicules automobiles de tourisme, les véhicules automobiles commerciaux et les voitures à chevaux. Cette taxe concerne 200 propriétaires de ces véhicules, soit en moyenne une taxe de 180 F par véhicule.

Le 27 décembre 1930, une réunion du comité républicain de Carrières a lieu au café de la mairie : le maire et 11 conseillers municipaux défendent leur thèse sur cette nouvelle taxe.

Le 29 décembre 1930, une réunion publique se tient à ce sujet, organisée par le comité des contribuables.

Le 10 janvier 1931, au conseil municipal, à l’appel du comité de défense des contribuables contre les nouvelles taxes, 60 personnes sont présentes. A la lecture du compte rendu de la séance précédente annonçant les nouvelles taxes locales, le public s’écrie : « Oui, les contribuables ont des observations à faire ». Le maire, indigné, répond : « Vous n’avez rien à dire ». Une cacophonie s’ensuit, les contribuables traitant le maire d’incapable, et l’appelant à démissionner. Le maire répond : « Je démissionnerai quand je le voudrai. Je lève la séance ». Alors 20 à 30 voix hurlent une chanson qui n’est autre que l’Internationale. Le maire fait évacuer la salle par le garde-champêtre.

Le 11 mai 1931, le conseil municipal justifie cette taxe locale de 15% de l’impôt d’Etat en la destinant à l’entretien des chemins communaux.

Le 4 août 1931, au conseil municipal, ont encore lieu des manifestations du public. Le maire, fort ému et vieilli, n’a plus la force de réagir : « Messieurs, vous n’avez pas la parole ».

Le 3 octobre 1931, Monsieur Boclet, président du syndicat de défense des contribuables, annonce à ses adhérents au cours de la réunion syndicale, que la pétition contre les nouvelles taxes a recueilli plus de 500 signatures (il faut reconnaître que, parmi les signataires, certains ne sont pas concernés par cette taxe).

Le 6 novembre 1931, le spectacle d’un conseil municipal bafoué laisse une pénible impression : des conseillers insultés, un maire interpellé, tutoyé, défié et apeuré, discutant avec le public et - le bouquet -, une altercation entre un adjoint et un conseiller. Mais surtout, l’orage éclate à la lecture du rapport de la commission des finances qui refuse de prendre en considération la pétition contre les nouvelles taxes signée par plus de 500 personnes, sous prétexte que cette pétition revêt un caractère politique.

Le 13 novembre 1931, la séance du conseil municipal est encadrée par la présence de gendarmes et du commissaire de police, le clou de la soirée étant une corde tendue entre le conseil et le public. La corde ayant bougé sous la pression du public, le maire, d’un bond, fait sortir deux gardes et deux gendarmes de leur salle d’attente et leur donne l’ordre d’évacuer le public. Celui-ci refusant de sortir, les gendarmes le font reculer afin que la corde soit remise en place.

Lors de sa séance du 10 décembre 1931, la sécurité du conseil municipal est assurée par 10 gendarmes mobiles et un adjudant plus 2 gardes, soit 13 personnes au total. A la première interruption du public, le maire fait donner la garde mobile pour faire évacuer la salle. « Nous sommes des électeurs, des honnêtes gens ». L’assemblée se met à crier : « Nous ne sortirons pas ! ». Suite à l’intervention de l’adjudant face au public – « Je vous fais confiance. Nous vous laissons mais restez tranquilles » -, les gendarmes mobiles sortent et la séance du conseil peut continuer dans un silence relatif.

Compte-rendu du conseil municipal du 10 décembre 1931.

Le conseil prend la délibération suivante :

Les faits scandaleux auxquels s’est livrée une grande partie du public au cours de la séance du conseil de ce jour, séance qui a été tenue jusqu’au bout de son ordre du jour et où l’on a vu des membres du conseil pris à partie et injuriés grossièrement, tout en priant Monsieur le maire de ne rien négliger des mesures à prendre quelles qu’elles doivent être pour lui assurer la libre discussion nécessaire à l’accomplissement de la tâche qui lui est confiée,

Déclare que rien ne le fera dévier de sa volonté absolue de ne pas être troublé dans ses travaux.

Daniel WILLEMAIN

Octobre 2020

Sources :

Journal « L’Indépendant de Houilles »

Comptes-rendus des conseils municipaux de Carrières

NOTA :

Il existait à l’époque d’autres taxes locales :

- taxes sur les chiens : taxe de 1ère catégorie sur les chiens d’agrément ou de chasse (30 F), taxe de 2ème catégorie sur les chiens de garde (10 F) ;

- taxe sur les chevaux, mules, mulets et voitures (taux à 25 % de l’impôt d’Etat) ;

- taxe sur les instruments de musique : pianos, orgues, harmoniums (30 F pour les pianos droits et les harmoniums), tous les autres instruments de musique (60 F) ;

- taxe sur les cycle-cars et les motocyclettes (15 % de l’impôt d’Etat).Ces taxes locales annuelles existaient déjà en 1931, 1932, 1933, 1934. Je n’en connais pas le devenir après cette date. Mais j’ai trouvé que la taxe sur les chiens existait déjà en 1898.